Jacqueline Ogier

Jacqueline Ogier

Porte-parole

Jacqueline Ogier est porte-parole de la Fédération des Enfants Déracinés des départements et régions d’outre-mer

Je suis née, le 24 juin 1959, à Saint-André, dans une commune française, l’Ile de la Réunion. A cette période où la démographie de la Réunion progressait, exponentiellement, au point
d’inquiéter les gouvernants en place. Les réponses politiques et plus particulièrement d’action sociale et familiale, pour lutter contre une forte natalité, ne furent pas des plus humaines envers la population infantile réunionnaise. Ma famille ne fût pas épargnée. Moi, je suis la fille posthume de Fernand ANNETTE, c’est inscrit comme cela sur mon acte de
naissance. Fernand, mon papa que je n’aurai pas eu la joie de connaître puisqu’il décédera le 31 décembre 1958, 6 mois avant ma naissance. Ma mère avait des difficultés à subvenir à nos besoins, c’était la misère alors qu’avant le décès de mon père ma famille ne manquait de rien et vivait. Mes deux premières années d’existence étaient des jours, des semaines, des mois d’hospitalisation car je souffrais de malnutrition.
A la suite d’une enquête sociale, le service d’aide sociale de la DDASS avait déclaré ma maman inapte à élever ses enfants qui, de ce fait, nous devenions des pupilles de l’Etat. C’est ainsi que ma mère, alors âgée de 36 ans, qui subissait déjà, six mois avant ma naissance, un veuvage difficile à vivre, se trouva un jour de l’année 1961 privée de ses sept enfants. Je fus envoyée à la pouponnière de l’hopital de Saint-Denis et mes frères et soeurs à d’autres endroits en Métropole en 1964 et 1965.

Je n’ai rien emporté comme souvenir de la Réunion car les valises de la DDASS étaient déjà remplies d’un trousseau identique pour chaque enfant exilé de force. La pension s’appelait « Le Bon Pasteur » et reconnue comme étant plutôt une maison de redressement. J’étais la plus petite de la pension et c’est là que j’ai pu m’épanouir à travers le sport, la pratique musicale dont la guitare et j’étais heureuse. Puis j’ai été placée en famille d’accueil, chez Angéline, une professeure agrégée d’anglais, célibataire, qui venait de perdre sa mère dans un accident de voiture. Le temps d’adaptation fût long et je refusai de communiquer excepté en classe. Tout se passait bien mais en juillet 1973, Angéline se marie avec un homme de 16 ans de moins qu’elle et j’ai des difficultés à accepter ce nouvel environnement familial. En 1975, mon assistante sociale référente fait un rapport dans lequel elle demandait mon retrait de cette deuxième famille d’accueil dans laquelle j’étais si bien traitée et aimée.

1975 la DDASS nous avait payé, à mon frère et moi, les deux derniers de la fratrie, un billet d’avion pour passer nos vacances d’été à la Réunion chez notre sœur aînée. Je revoyais mon frère après neuf années de séparation… A mon retour de ce voyage où je fis connaissance de ma maman, j’étais de nouveau transférée dans un foyer à Agen ; j’avais 16 ans. Ce fût une période pendant laquelle j’ai découvert des artistes de différents milieux, d’autres styles de musiques notamment les musiques traditionnelles auxquelles je me suis raccrochée pour échapper à la solitude et l’oisiveté. J’étais très appréciée, également, par mes amies de lycée car j’étais assez douée en sport, en musique. Depuis le Bon Pasteur j’avais tout fait pour maintenir la pratique instrumentale de guitare ce qui me permet, aujourd’hui encore, de me produire au sein de groupes de musiques traditionnelles avec mon mari (www.bassacada.fr).

Cette histoire familiale nous a tous fait souffrir et cela reste très difficile d’en parler pour les aînées à l’inverse des quatre derniers de notre fratrie. Aujourd’hui, grâce à la Cellule d’Ecoute de la Fédération des Enfants Déracinés des DROM (Départements et Régions d’Outre-Mer), notre famille a découvert l’existence de cousins germains qui avaient été adoptés avec un changement d’état-civil et déplacés en Métropole comme nous.

Je suis Responsable de cette Cellule ainsi que de la Cellule Gouvernance et Influences Politiques. J’ai participé, en novembre 2019, au tournage d’un documentaire réalisé par la chaîne de TV France24 dont le sujet était « Retour à l’île de la Réunion de trois sœurs réunionnaises exilées de force entre 1962 et 1984 vers la Métropole ». Par ailleurs, je m’investis et m’engage dans la commune où je réside, Bon-Encontre. J’étais Conseillère municipale de 2014 à 2020 et depuis les dernières élections municipales je suis 2éme Adjointe à Mme Le Maire (première femme élue maire à Bon-Encontre depuis 1789) en charge de la Cohésion sociale et du CCAS.

 

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