Justine Bougerol
Justine Bougerol, artiste plasticienne, raconte à travers des installations pensées de manière in situ des histoires d’espaces et de souvenirs autour du leitmotiv de la maison natale, dans lesquels le vécu se confronte à l’inconscient, le rêve se mêle à la réalité, et l’invisible au visible. La mémoire y est une thématique récurrente que l’artiste traite à travers l’élaboration de paysages intérieurs et oniriques. La nostalgie y cohabite avec l’absurdité et l’étrangeté, propres aux lieux de nos souvenirs transformés par la subjectivité de chacun. La matière (l’eau, la terre, le feu, la végétation) joue un rôle majeur dans l’élaboration de ces espaces, donnant de la substance à la contemplation du spectateur. Les frontières entre intérieur et extérieur, espace vide et espace plein, espace clos et espace ouvert sur le monde, sont toujours très fines afin de laisser l’imagination du spectateur s’évader vers un ailleurs fantasmé, mis en lumière par Justine Bougerol. Le propre de ses installations est d’interroger et de manipuler l’espace réel et familier, celui dont parle Georges Perec dans son Espèces d’espaces. Sa démarche consiste à investir un lieu mis à disposition de manière in situ, en jouant avec les codes de lecture de l’espace architectural, pour y insérer un espace d’une autre nature: l’espace Autre. Alors que le point de départ de l’artiste se situe toujours dans ce qui constitue notre réalité propre, Justine Bougerol insuffle au lieu de l’exposition une ambiguïté non résolue, amenant le spectateur à réinteroger ses perceptions habituelles pour s’attarder sur une narration nouvelle, par la découverte d’un espace saisi par l’imagination. L’artiste place le spectateur face à des dispositifs à point de vue unique. L’oeil du regardant découvre un espace pluriel composé de strates successives pensées comme une fiction. Son regard franchit autant de seuils le dé- tachant de l’ici et maintenant pour basculer dans un là- bas inatteignable, et dont chacun éprouve une nostalgie spatiale. Justine Bougerol transforme l’espace en une scène frontale, où se joue un processus de fragmentation, d’illusion optique et de manipulation des perspectives de manière à désorienter nos repères spatiaux et temporels. Ce glissement apparaît notamment grâce à la perte d’échelle et à l’utilisation de la miniature, pour évoquer l’infiniment grand et l’infiniment petit. Les notions de profondeur, d’intervalle, d’écho et de mise en abîme sont également très présentes dans l’ensemble de son travail.
©Thomas Jean Henry