Compagnie des Hommes
La compagnie des Hommes, c’est depuis vingt ans une tentative de faire du théâtre d’une autre manière. Il ne s’agit pas de faire le malin, de faire « différent », mais plutôt d’avoir la sensation de suivre un chemin sans jamais s’en détourner. Faire théâtre, c’est-à-dire, ensemble, vivre des émotions qui nous transforment. Un avant et un après. Un moment de partage de fragilité, c’est ça peut-être faire théâtre.
L’espace a été la première préoccupation de Didier Ruiz quand il a arrêté d’être acteur.
« C’est drôle de dire ça, parce que je ne me suis pas arrêté du jour au lendemain comme on arrête de fumer. Je me suis éloigné du plateau en tant qu’acteur, comme aspiré par la place qui est la mienne et que j’adore. En face et dans l’ombre. Parce que je me suis aussi posé la question de pour qui et comment faire du théâtre, explorer d’autres espaces a été une priorité. Et les formes « parallèles » sont nées. L’Amour en toutes Lettres dans les bars, jardins… La série des Apéros polars dans les halls de théâtre, les granges, etc. Un besoin de donner rendez-vous ailleurs que dans le temple toujours un peu effrayant du Théâtre.
Ce chemin est aussi passé par les textes. Que dire aujourd’hui au théâtre qui résonne encore ? J’ai souvent évité les auteurs, les ai retrouvés. J’ai préféré parfois aux textes de théâtre, des lettres, des romans, de l’écriture de plateau.
Et puis ce chemin de vingt ans a rencontré la poésie et la vérité des non acteurs, que j’appelle tendrement les « innocents » par opposition aux comédiens professionnels. Auteurs d’un jour ou d’une saison. Par le lien de confiance qui se tisse entre eux et moi, je les invite à se raconter. Dale recuerdos (je pense à vous), Une longue peine, TRANS (més enllà) et demain Que faut-il dire aux Hommes ? en sont des exemples. Ce qui semblait insensé il y a vingt ans est devenu post-classique. On l’enseigne à la fac ici ou ailleurs.
Pendant vingt ans, j’ai appris à défendre mon théâtre, singulier mais aussi politique, c’est-à-dire qui parle à l’instant aux hommes d’aujourd’hui. Je tente à chaque fois de faire entendre mon regard sur le monde. Et ma seule arme, mon seul porte-voix, c’est le théâtre.
Vingt ans de travail dans la fidélité à une « marque de fabrique » ne se font pas seul et isolé. C’est aussi toutes les femmes et tous les hommes qui m’entourent et m’accompagnent chacun à leur manière mais tous avec soin et attention pour, ensemble, faire théâtre. Certains ont disparu à jamais, d’autres sont partis sous d’autres cieux, la plupart sont toujours là, parlant une seule langue, avançant malgré tout, avec dignité et confiance. Malgré tout, c’était la devise de Sarah Bernhardt. »